L’attaque d’Israël contre la presse soulève l’indignation
L’attaque d’Israël contre la presse soulève l’indignation

« Ceci est mon testament et mon dernier message. Si ces paroles vous parviennent, sachez qu’Israël a réussi à me tuer et à faire taire ma voix. »
Ainsi commence la lettre posthume du journaliste Anas al-Sharif, l’un des six membres des médias tués dimanche par une frappe israélienne, une attaque contre la presse vivement dénoncée dans le monde.
Conscient que sa vie était menacée, Anas al-Sharif, qui travaillait pour la chaîne Al-Jazeera, a écrit un long texte, qu’il a demandé de diffuser « en cas de décès ».
L’armée israélienne a confirmé l’avoir pris pour cible, estimant qu’il était « un terroriste » se faisant passer pour un journaliste.
Âgé de 28 ans, Anas al-Sharif était né dans un camp de réfugiés palestiniens. Il était marié, avait deux enfants et était l’un des correspondants les plus connus couvrant le conflit à Gaza.
En 2023, Al-Jazeera rapportait que son père, Jamal al-Sharif, avait été tué par un bombardement israélien sur la résidence familiale.
Dans son texte, Anas al-Sharif parle de la Palestine comme du « joyau de la couronne des musulmans et le battement de cœur de chaque personne libre dans ce monde ».
« Je vous confie son peuple et ses jeunes enfants opprimés qui n’ont pas eu le temps de rêver et de vivre en sécurité et en paix. »
Priant Dieu pour toute sa famille endeuillée, il dénonce « ceux qui sont restés silencieux et ont accepté notre massacre » et tous ceux « dont le cœur n’a pas été touché par les restes de nos enfants et de nos femmes, et contre ceux qui n’ont pas mis fin au massacre que notre peuple subit depuis plus d’un an et demi ».
« Si je meurs, ce sera en étant resté fidèle à mes principes. »
Un appel à la solidarité
Al-Jazeera a condamné l’attaque, disant y voir « une tentative désespérée de faire taire les voix qui exposent la prise imminente de Gaza et son occupation ».
Cinq autres professionnels des médias ont été tués dans la même attaque. Selon Reporters sans frontières (RSF), quatre d’entre eux travaillaient ou avaient travaillé pour la chaîne Al-Jazeera. Outre Anas al-Sharif, il s’agit du correspondant Mohammed Qraiqea, du vidéoreporter Ibrahim al-Thaher, du cameraman Mohamed Nofal et de Moamen Aliwa, journaliste indépendant qui a travaillé avec Al-Jazeera.
Mohammed al-Khaldi, un autre journaliste indépendant, créateur d’une chaîne YouTube d’information, a aussi péri.
RSF dénonce le fait qu’Israël, « sans avancer de preuves solides », soutienne qu’Anas al-Sharif avait une « appartenance terroriste ».
Dans son communiqué, l’organisation dénonce « une technique indigne utilisée de manière récurrente contre les journalistes et destinée à masquer des crimes de guerre, alors que l’armée a déjà tué plus de 200 professionnels des médias ».
« Il faut de toute urgence mettre un terme à ce massacre et à la stratégie de black-out médiatique d’Israël, destinée à masquer les crimes commis par son armée, depuis plus de 22 mois, dans l’enclave palestinienne assiégée et affamée. La communauté internationale ne peut plus fermer les yeux. »
Au Québec, 51 personnes – essentiellement des journalistes à la retraite, de même notamment qu’une ex-présidente du Conseil de presse et un ex-président de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec – ont lancé à travers une lettre un « appel à la solidarité envers les journalistes de la bande de Gaza1 ».
« Ce conflit meurtrier a déjà tué plus de journalistes et de travailleurs des médias que toutes les guerres réunies depuis le début du XXe siècle, affirme l’Institut Watson de l’Université Brown, au Rhode Island », soulignent-ils. « Ceux qui continuent, malgré tout, à nous informer font preuve d’un immense courage. »
Nous appelons le gouvernement canadien à faire pression auprès du gouvernement israélien afin qu’il mette tout en œuvre pour laisser les journalistes palestiniens effectuer leur travail en respectant minimalement leur sécurité.
Extrait de la lettre de professionnels des médias du Québec
Les signataires rappellent que « les journalistes sont, en vertu de l’article 79 de la Convention de Genève (12 août 1949), “considérés comme des personnes civiles” et doivent donc bénéficier des mêmes mesures de protection lors des conflits armés ».
L’Union européenne a condamné l’attaque. Le porte-parole du premier ministre britannique a indiqué pour sa part que Keir Starmer était « gravement inquiet » que des journalistes soient pris pour cibles à répétition à Gaza.
Des employés humanitaires aussi visés
En juin 2025, l’ONU a par ailleurs publié un communiqué pour dénoncer « les attaques dirigées contre des civils près des centres d’aide dans la bande de Gaza ». Elles « pourraient constituer une “grave violation du droit international et un crime de guerre” », était-il écrit.
« Chacune de ces attaques doit faire l’objet d’une enquête rapide et impartiale, et les responsables doivent rendre des comptes. »
Toujours en juin, l’ONU a aussi honoré la mémoire « des 168 membres du personnel qui ont perdu la vie en 2024. Parmi eux, 126 ont été tués à Gaza et tous, sauf un, servaient au sein de l’Agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens, l’UNRWA ».
Lundi, les autorités israéliennes et des politiciens ont été outrés par un graffiti sur le mur des Lamentations, à Jérusalem, qui disait en hébreu qu’« il y a un holocauste à Gaza » et que « des enfants meurent de faim ».
Les policiers auraient arrêté un homme de 27 ans dont il a été dit qu’il souffrait de problèmes de santé mentale et qui, selon la version officielle, aurait présenté ses excuses pendant son interrogatoire.
Sur les 251 personnes enlevées le 7 octobre 2023 lors de l’attaque sanglante du Hamas sur le sol israélien, 49 restent retenues, dont 27 ont été déclarées mortes par l’armée israélienne.
L’attaque a entraîné la mort de 1219 personnes, en majorité des civils, selon le bilan de l’AFP réalisé à partir de données officielles. Les représailles israéliennes à Gaza ont déjà fait 61 499 morts, pour la plupart des civils, selon les données du ministère de la Santé du Hamas, jugées fiables par l’ONU.
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