Dans les quartiers de Port-au-Prince, un souffle d’espoir malgré l’insécurité persistante

Dans les quartiers de Port-au-Prince, un souffle d’espoir malgré l’insécurité persistante

May 30, 2025 - 10:44
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Dans les quartiers de Port-au-Prince, un souffle d’espoir malgré l’insécurité persistante

Après une longue période durant laquelle la terreur imposée par les groupes armés paralysait le quotidien, plusieurs quartiers de Port-au-Prince retrouvent peu à peu un souffle de normalité. À l’occasion d’un micro-trottoir réalisé ce jeudi 29 mai 2025 par notre équipe de rédaction, les premiers constats témoignent d’une reprise encore timide : écoles, institutions bancaires et petits commerces rouvrent prudemment leurs portes. Si la menace reste latente, une population éprouvée fait preuve d’une résilience admirable, déterminée à se réapproprier sa vie malgré l’incertitude.

Depuis plus d’une semaine, plusieurs quartiers de la capitale haïtienne — comme Pont Morin, Lalue, Turgeau, Canapé-Vert ou encore l’Avenue Martin Luther King — montrent des signes de reprise. Cette éclaircie survient à la suite d’une offensive conjointe entre la Police nationale d’Haïti (PNH) et des brigades de vigilance locales, qui ont réussi à repousser les membres du gang « Viv Ansanm » hors de certaines zones.

Cette accalmie, bien que fragile, permet à des résidents comme Peter, vendeur de téléphones sur la rue Capois, au Champ de Mars, de reprendre leurs activités.

« Nou pa ka rete lakay nou tout tan. Fòk nou viv », dit-il d’un ton ferme, mais inquiet.

Parmi les symboles de cette reprise timide, les établissements scolaires recommencent à accueillir les élèves. Le Collège Saint-Pierre, situé au cœur du Champ de Mars, a rouvert ses portes. Un adolescent croisé à la sortie de l’établissement confie, le sourire aux lèvres :

« Mwen ale lekòl chak jou. Sa fè m plezi anpil, menm si gen risk toujou. »

De son côté, le Collège Canado-Haïtien a également relancé ses activités. Pour de nombreux parents, c’est une bouffée d’air.

« Lè m tande lekòl louvri, mwen pa panse de fwa. Timoun yo bezwen edikasyon », affirme une mère venue chercher sa fille.

Outre les écoles, quelques commerces de rue se remettent en marche. Peter, la trentaine, installe chaque matin son parasol usé pour vendre des téléphones usagés.

« Mwen bezwen manje, pitit mwen bezwen ale lekòl. Se pou sa, chak jou, mwen leve pou m vin vann, menm si mwen pè », explique-t-il.

Certaines institutions bancaires, elles aussi, rouvrent progressivement — parfois pour quelques heures seulement. Cette reprise, même partielle, permet à des familles de régler des transactions vitales ou d’envoyer de l’argent à des proches déplacés.

Malgré tout, la peur reste enracinée. Les habitants savent que cette paix est temporaire.

« Nou tande bri bal yo, men se lwen. Se pa paske pa gen kout bal jodi a ke nou sove », lâche Peter avec gravité.
La population vit entre deux temps : celui du quotidien à reconstruire, et celui, toujours menaçant, de la violence qui pourrait ressurgir à tout moment.

Sur le terrain, les témoignages se recoupent. Des chauffeurs de taxi-moto réunis près du Collège Canado rappellent que la paix ne doit pas être un privilège de certains quartiers.

« Leta dwe mete sekirite nan tout zòn. Se sèl fason pou moun ka retounen lakay yo san pè », insiste un conducteur.
La demande est claire : la sécurité ne doit pas être un luxe, mais un droit.

Malgré les apparences, la normalité est loin d’être retrouvée. De nombreux espaces universitaires — notamment sur l’Avenue Christophe, comme certaines facultés de l’Université d’État d’Haïti — ont dû suspendre leurs activités la semaine dernière.

Dans cette même zone, les locaux de la Radio Télévision Caraïbes (RTVC), média emblématique du pays, ont été incendiés le 13 mars 2025 : une attaque qui symbolise la fragilité persistante du climat sécuritaire.

Haïti compte aujourd’hui trois forces censées assurer la sécurité : la Police nationale d’Haïti, les Forces armées haïtiennes et la Mission multinationale de soutien à la sécurité. Pourtant, sur le terrain, les résultats tangibles tardent à se faire sentir. Les habitants restent dans l’attente d’un changement réel, d’une présence continue et rassurante.

Les déplacés internes sont encore nombreux, installés dans des camps précaires, souvent sans accès à l’eau potable, aux soins de santé ou à l’école. Les hôpitaux fonctionnent difficilement, les transports publics sont désorganisés, et les rues sont parcourues par la crainte.

Pourtant, dans ce contexte incertain, les habitants de Port-au-Prince se lèvent chaque matin avec le courage de continuer. Ouvrir une boutique, envoyer un enfant à l’école, marcher dans son quartier sans crainte : ces gestes simples sont devenus des actes de résistance.

Chaque jour sans coup de feu, chaque cours dispensé, chaque repas partagé sont les signes d’une population qui refuse de sombrer.
À Port-au-Prince, l’espoir s’écrit désormais dans les gestes du quotidien.

 

L'annonce de l'arrivée de la firme de sécururité américaine Blackwater pour démanteler les gangs de Viv Ansanm en est aussi pour beaucoup, selon plus d'un. 

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