À 34 ans, Gabriel Attal devient le plus jeune premier ministre
À 34 ans, Gabriel Attal devient le plus jeune premier ministre
(Paris) Emmanuel Macron a nommé mardi à Matignon Gabriel Attal, 34 ans, qui devient le plus jeune premier ministre de l’histoire de la République, dans l’espoir que cette « audace » l’aide à donner un nouvel élan à un quinquennat en quête perpétuelle de souffle.
Le chef de l’État l’a chargé « de former un gouvernement », a confirmé l’Élysée dans un communiqué alors que sa nomination, donnée comme quasi acquise depuis la veille, avait déjà été dévoilée par plusieurs responsables du camp présidentiel.
Peu après, sur X, le président a dit « compter » sur l’« énergie » de Gabriel Attal pour mettre en œuvre son « projet de réarmement et de régénération » du pays. Après les divisions qui ont agité la Macronie sur la loi sur l’immigration, et les critiques sur une dérive droitière, il lui a demandé d’être « dans la fidélité à l’esprit de 2017 : dépassement et audace ».
C’est « un choix de retour aux sources du macronisme » de « dépassement » du clivage droite-gauche, a glissé l’entourage du chef de l’État. Ce dernier, qui ne peut constitutionnellement pas se représenter en 2027, « assume la responsabilité de la promotion et de la formation de cette génération Macron ».
Le populaire ministre de l’Éducation nationale sortant, qui devient aussi le premier chef de gouvernement ouvertement homosexuel, va succéder à Élisabeth Borne, contrainte lundi à la démission après vingt mois à Matignon.
Juste avant cette annonce, il parlait encore du redoublement dans une visioconférence avec des chefs d’établissement. « L’école c’est l’arme la plus puissante que nous ayons pour changer la société », a-t-il dit en conclusion, promettant de rester « toujours » au côté du monde enseignant.
La cour de Matignon se préparait à une passation de pouvoirs, prévue à 14 h 30.
Dans la foulée, le nouveau premier ministre, qui a petit-déjeuné pendant deux heures avec Emmanuel Macron mardi, se rendra dans le Pas-de-Calais frappé par les inondations pour son premier déplacement.
« Monarque présidentiel »
Les oppositions se sont immédiatement montrées sévères à son égard.
« Les Français ne peuvent rien espérer » de Gabriel Attal, a lancé la cheffe des députés du Rassemblement national, Marine Le Pen, tandis que le leader de La France insoumise Jean-Luc Mélonchon a raillé un simple « porte-parole ». « La fonction de premier ministre disparaît. Le monarque présidentiel gouverne seul avec sa cour », a-t-il dit, à l’instar du patron des socialistes Olivier Faure pour qui « Emmanuel Macron se succède à lui-même ».
« La communication permanente doit laisser place à une politique de clarté et de fermeté », a estimé pour sa part le président du parti Les Républicains Éric Ciotti.
Le délai entre la démission d’Élisabeth Borne et la nomination officielle avait alimenté les spéculations sur d’éventuelles résistances internes face à l’ambitieux promu, qui pourrait faire de l’ombre à d’autres prétendants à la succession d’Emmanuel Macron.
« Le macronisme c’est aussi d’être contre toutes les rentes et les prés carrés », a soufflé un conseiller de l’exécutif, assurant que le président n’avait jamais vacillé dans son choix.
Le retard a aussi pu être lié à la difficile recherche d’équilibres, alors que plusieurs voix appellent à resserrer l’équipe gouvernementale qui compte aujourd’hui 39 membres.
Figurant parmi les personnalités politiques préférées des Français depuis sa nomination en juillet à l’Éducation nationale, Gabriel Attal aura pour mission d’offrir à Emmanuel Macron l’élan que son second quinquennat n’a jamais trouvé. Mais il sera confronté au même obstacle que sa prédécesseure : l’absence de majorité absolue à l’Assemblée nationale depuis la réélection en 2022 du président.
Il hérite en outre des divisions qui ont surgi dans le camp présidentiel avec la loi immigration soutenue par l’extrême droite, après une adoption dans la douleur de l’impopulaire réforme des retraites.
« Continuer le combat »
Sa première tâche sera de former un nouveau gouvernement sous le signe du « réarmement » vanté par le chef de l’État lors de ses vœux du Nouvel An : « réarmement industriel, économique, européen », mais aussi « civique », autour notamment du vaste chantier de l’école que Gabriel Attal a porté depuis l’été en initiant de nombreuses réformes d’ampleur.
Il est aussi un fervent partisan du Service national universel (SNU), à l’heure où le président doit faire des annonces autour de sa généralisation.
Le nouveau chef du gouvernement « incarne un élan, une dynamique, une audace dont on a sûrement besoin », résume un cadre de la majorité.
Pour le constitutionnaliste Benjamin Morel, Gabriel Attal est le signe d’une « stratégie très offensive en vue des élections européennes » de juin, où l’extrême droite est donnée gagnante en France.
Emmanuel Macron avait salué le 20 décembre sur France 5 chez son jeune ministre un responsable politique qui l’accompagne « depuis le début » et qui a « l’énergie, le courage » pour « porter les réformes » à venir, voire, tel un héritier, « continuer le combat ».
La nomination de Gabriel Attal, macroniste de la première heure, offre des garanties aux tenants du « dépassement » du traditionnel clivage droite-gauche.
Mais elle « ne réglera pas le problème de la majorité » ni celui du « cap principal du mandat », souligne le politologue Bruno Cautrès même si le jeune ministre peut faire penser au « Macron du départ, un briseur de code ».
Son nom est remonté en haut de la liste lundi pour Matignon alors que deux favoris, fidèles macronistes, tenaient jusque-là la corde : le discret ministre des Armées Sébastien Lecornu, 37 ans, venu de la droite, et l’ancien ministre de l’Agriculture parti dans le privé, Julien Denormandie, 43 ans.
Entré par la petite porte dans l’exécutif au secrétariat à la Jeunesse, Gabriel Attal a connu une ascension fulgurante : porte-parole du gouvernement, ministre du Budget, il avait décroché de l’Éducation nationale en juillet, où il s’est rapidement distingué en interdisant l’abaya à l’école au nom de la « laïcité » et se disant prêt à expérimenter le port de l’uniforme.
Avant de connaître le prochain locataire de Matignon, la gauche avait été unanime mardi à réclamer un vote de confiance du Parlement « comme dans toutes les démocraties ».
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