Le plus difficile est à venir

Le plus difficile est à venir

Aug 19, 2025 - 15:03
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Le plus difficile est à venir

Le pire a été évité pour l’Ukraine, mais malgré les sourires, une paix « juste » n’est pas encore en vue.

Le pire, on pouvait le craindre après l’accueil chaleureux fait par Donald Trump à Vladimir Poutine vendredi. Et encore plus après la publication de Donald Trump dimanche soir : la paix peut être obtenue « presque immédiatement » si l’Ukraine renonce à faire partie de l’OTAN et abandonne la Crimée – ancien territoire russe cédé à l’Ukraine sous le régime soviétique en 1954 et accaparé par Poutine en 2014.

Mais l’Europe de la défense s’est ralliée derrière l’Ukraine. Cette fois, Volodymyr Zelensky ne s’est pas présenté seul « sans carte » à la Maison-Blanche, comme l’hiver dernier. Il a appris de ses erreurs. Il avait un cadeau : une lettre de sa femme à Melania. Il a même réussi à rire des platitudes du journaliste bidon sur sa tenue vestimentaire.

Quelle est vraiment la conclusion de cette journée de pourparlers ? Il n’y a pas de cessez-le-feu, pas de trêve à l’horizon. C’était pourtant une exigence de Donald Trump encore la semaine dernière.

« Je ne peux pas imaginer qu’il y ait une autre rencontre [de négociation de paix] sans un cessez-le-feu », a opiné le chancelier allemand Friedrich Merz.

Trump, qui n’a pas réussi à obtenir cette concession temporaire de Poutine, a dit qu’il avait réglé « six guerres » sans cessez-le-feu. Ce qui revient à dire : oubliez ça pour l’instant.

Tous les Européens ont félicité Donald Trump pour son initiative et les « progrès » accomplis. Mais jusqu’ici, ces progrès sont virtuels. L’agression se poursuit. Et la Russie ne promet que de cesser les bombardements si jamais une entente en forme de reddition a lieu.

En entrevue après la rencontre, le chancelier Merz a dit que « les données de base n’ont pas changé ». Quelles données ? Poutine rêve d’une Russie impériale ; il ne reconnaît pas la souveraineté de l’Ukraine, inséparable de la Grande Russie ; et son projet est encore de diviser l’Occident décadent.

Ce n’est pas pour rien qu’Emmanuel Macron insistait sur une paix « robuste et durable ». L’Europe a signé une trêve avec Poutine après la première invasion de l’Ukraine en 2014. Huit ans plus tard, il envahissait le pays. Personne à cette table, sauf apparemment Donald Trump, n’a la moindre confiance en Poutine.

C’est pourquoi le président français, à l’air particulièrement grave lundi, parlait d’une rencontre « quadripartite » après un éventuel sommet Zelensky-Poutine, puis d’un sommet à trois Zelensky-Trump-Poutine.

L’Europe n’a pas l’intention de se faire imposer une paix honteuse et dangereuse dans le dos.

C’est pourquoi, surtout, tous les leaders européens ont parlé de « garanties de sécurité » de la part des États-Unis. Mais jusqu’ici, cela ressemble à une vente massive d’armes américaines financée par l’Europe. Trump n’a pas formellement exclu l’envoi de troupes sur le terrain, mais il n’en est certainement pas question dans son esprit, si l’on fait la somme de ses engagements.

Giorgia Meloni, la présidente italienne du conseil, a dessiné de gros guillemets en parlant d’un engagement de type « article 5 » du traité de l’Atlantique Nord. Ce fameux article n’est pas si contraignant qu’on le laisse entendre. Il dit qu’une attaque contre un membre est une attaque contre tous les membres du traité… et permet aux États membres d’utiliser toutes les mesures nécessaires allant jusqu’à la force armée. Donc même dans le cadre de l’OTAN, il n’y a aucune obligation de prendre les armes pour un allié agressé. L’article a été mis en vigueur après l’attaque terroriste du 11 septembre 2001, et une coalition s’est formée pour attaquer les bases d’Al-Qaïda en Afghanistan. Mais c’était à la discrétion des membres. Pour ce qui est de l’Ukraine, donc, la « garantie » américaine dont on parle en ce moment est purement morale, et n’engage aucune implication militaire.

Pour ce qui est d’arrêter « la tuerie », comme dit le président Macron, tout le monde s’entend.

Sauf le responsable, celui qui ne peut pas mettre les pieds en territoire européen sans être arrêté pour crime de guerre : Vladimir Poutine.

Les leaders européens ont au moins réussi à rééquilibrer un peu le jeu à Washington entre la Russie impérialiste et l’Ukraine martyrisée. Et à faire valoir que la reddition n’est pas un traité de paix. Cette fois, Donald Trump n’a pas traité Zelensky de dictateur et de responsable de la guerre. Pour une très rare fois, on l’a vu au milieu d’une table multilatérale où il semblait respecter les autres nations. Il avait même l’air présidentiel.

« Les prochaines étapes seront les plus compliquées maintenant », a dit le chancelier Merz. En effet. Rien n’est réglé.

« Peut-être qu’on n’y arrivera pas », a dit Donald Trump, comme pour diminuer les attentes qu’il a lui-même gonflées.

Mais pour une fois, il y a du mouvement.

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