Les États-Unis désignent une coalition de gangs en Haiti comme organisation terroriste étrangère

Les États-Unis désignent une coalition de gangs en Haiti comme organisation terroriste étrangère

May 4, 2025 - 14:09
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Les États-Unis désignent une coalition de gangs en Haiti comme organisation terroriste étrangère

(San Juan) Les États-Unis ont officiellement désigné vendredi une puissante coalition de gangs en Haïti comme organisation terroriste étrangère, suscitant des inquiétudes quant à l’aggravation de la crise humanitaire que traverse le pays à un moment critique.

La coalition Viv Ansanm, qui signifie « Vivre ensemble », rejoint une liste de huit organisations criminelles latino-américaines classées dans cette catégorie. Gran Grif, le plus grand gang opérant dans la région centrale de l’Artibonite en Haïti, a également été ajouté à la liste, comme l’a rapporté l’Associated Press mardi.

« L’ère de l’impunité pour ceux qui soutiennent la violence en Haïti est révolue », a déclaré le secrétaire d’État américain Marco Rubio dans un communiqué vendredi.

Le Département d’État américain a averti que « les personnes, y compris les citoyens américains, qui effectuent certaines transactions ou activités avec ces entités, ou ces individus, peuvent s’exposer à des sanctions ».

Mais il est quasiment impossible pour les organisations humanitaires et autres d’éviter de traiter avec les gangs en Haïti.

La coalition Viv Ansanm contrôle au moins 85 % de la capitale, Port-au-Prince. Cela oblige les associations et autres groupes à négocier avec les gangs afin d’accéder aux communautés et de leur fournir de la nourriture, de l’eau et d’autres fournitures essentielles.

« Les premières conséquences (de cette désignation) concerneront la coopération humanitaire et internationale, qui est fondamentalement le seul moyen d’empêcher la population haïtienne de mourir de faim », a expliqué Romain Le Cour, de l’Initiative mondiale contre la criminalité transnationale organisée.

Cette désignation survient alors qu’Haïti fait face à une famine record : plus de la moitié de sa population de près de 12 millions d’habitants devrait souffrir de famine d’ici juin, et 8400 personnes vivant dans des abris de fortune risquent de mourir de faim.

Les commerçants en Haïti pourraient également être touchés par cette nouvelle désignation. Les gangs contrôlent les zones entourant un important dépôt de carburant et le port le plus grand et le plus important du pays, ainsi que les principales routes d’entrée et de sortie de la capitale, où ils perçoivent des péages.

« Cela pourrait fonctionner comme un embargo de facto », a déclaré Jake Johnston, directeur de recherche internationale au Centre de recherche économique et politique, basé à Washington.

« Les gangs exercent un contrôle considérable sur le commerce du pays, a-t-il déclaré. Toute activité commerciale, quelle qu’elle soit, avec ou en Haïti comporte des risques bien plus importants. »

Violence persistante

Cette désignation se produit au même moment que la violence des gangs s’intensifie en Haïti.

Selon la Mission politique des Nations Unies en Haïti (MPNHA), plus de 1600 personnes ont été tuées entre janvier et mars, et 580 autres blessées. Les violences ont également laissé plus d’un million de personnes sans abri.

« Malgré de nombreuses victimes dans leurs rangs (936 individus), les gangs ont intensifié leurs efforts pour étendre leur contrôle territorial dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince et ses environs », selon un nouveau rapport de l’ONU.

Ces récentes attaques sont menées par Viv Ansanm.

La coalition, qui représente plus d’une douzaine de gangs, a été créée en septembre 2023, réunissant deux rivaux acharnés, le G-9 et le G-Pèp. Le mouvement a été réactivé fin février 2024, lorsque des hommes armés ont pris d’assaut des commissariats de police et les deux plus grandes prisons d’Haïti, libérant plus de 4000 détenus. La coalition a également forcé la fermeture du principal aéroport international d’Haïti pendant près de trois mois, empêchant l’ancien premier ministre Ariel Henry de rentrer après une visite officielle au Kenya.

Le gouvernement a déclaré l’état d’urgence et M. Henry, qui n’a jamais pu rentrer en Haïti, a démissionné en avril 2024.

Une désignation sous surveillance

Romain Le Cour de l’Initiative mondiale contre la criminalité transnationale organisée, a averti que l’utilisation de cette désignation pour cibler directement les gangs en Haïti ne fonctionnerait pas.

« Si cette désignation vise à faire pression sur eux, il faut renforcer les capacités […] qui permettent de poursuivre les chefs de gangs et de les arrêter en Haïti », a-t-il déclaré.

La violence a submergé la police nationale haïtienne et une mission soutenue par l’ONU et dirigée par la police kenyane, qui peine à lutter contre les gangs, faute de financement et de ressources suffisants.

Et même si des membres de gangs sont arrêtés, le système judiciaire haïtien est à peine fonctionnel. Un rapport de l’ONU a constaté que « de nombreux palais de justice restent détruits, non opérationnels ou situés dans des zones inaccessibles, empêchant ainsi le personnel judiciaire et les avocats d’y accéder ».

« Cette désignation relève davantage d’une approche politique globale, profondément insuffisante, qui risque de négliger les réalités du terrain », a déclaré Le Cour.

Il a ajouté que cette désignation devrait être utilisée contre les trafiquants d’armes à feu en Haïti aux États-Unis et contre le réseau qui assure l’acheminement des munitions et des armes vers le pays.

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