Marine Le Pen coupable et mise à l’écart pour cinq ans

Marine Le Pen coupable et mise à l’écart pour cinq ans

Apr 1, 2025 - 09:44
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Marine Le Pen coupable et mise à l’écart pour cinq ans

Le Rassemblement national (RN) s’en est pris à la « dictature des juges » lundi, après la condamnation en France de Marine Le Pen dans une affaire de détournement de fonds.

Ce qu’il faut savoir

  • Le Rassemblement national est plongé dans l’incertitude après qu’un tribunal a condamné sa dirigeante, Marine Le Pen, dans une affaire de détournement de fonds ;
  • La politicienne est ciblée par une peine d’inéligibilité de cinq ans qui l’empêchera de se présenter à l’élection présidentielle de 2027, à moins d’une victoire rapide en appel ;
  • Le parti pourrait être contraint de miser sur Jordan Bardella, qui manque toutefois d’expérience pour assumer une telle charge, préviennent des analystes.

La rhétorique a trouvé un écho immédiat auprès de la droite radicale européenne, mais n’a pas occulté l’embarras du parti, qui doit revoir ses plans en vue de l’élection présidentielle de 2027.

La peine d’inéligibilité de cinq ans qui accompagne la condamnation à quatre ans de prison prononcée contre la dirigeante du RN signifie qu’elle a peu de chances de pouvoir se présenter au scrutin.

La politicienne de 56 ans a rapidement fait savoir, par l’entremise de son avocat, qu’elle entendait porter la décision en appel, mais le processus risque de s’avérer « trop long pour qu’elle puisse se remettre en selle » à temps, prévient Olivier Ihl, un politologue rattaché à l’Institut d’études politiques de Grenoble.

Et rien n’indique que l’appel lui donnera raison, souligne l’analyste. Le tribunal ayant rendu jugement lundi a conclu que Marine Le Pen était « au cœur du système » de détournement de fonds dénoncé, relève-t-il.

On reproche au RN d’avoir utilisé pour ses propres besoins, de 2004 à 2016, les enveloppes budgétaires prévues pour payer les salaires des assistants parlementaires de ses députés au Parlement européen.

Outre Marine Le Pen, plus d’une vingtaine d’élus et de membres du RN ont été condamnés, et la formation a écopé d’une amende de 2 millions d’euros (3 millions CAN), qui représente près de la moitié de la somme détournée.

La politicienne maintient qu’il s’agit d’un simple « désaccord administratif avec le Parlement européen » qui n’aurait jamais dû entraîner un procès de cette nature, assimilable, selon elle, aux pratiques de « régimes autoritaires ».

« Je ne vais pas me laisser éliminer ainsi, je vais mener les voies de recours que je peux. Il y a un petit chemin. Il est certes étroit, mais il existe », a-t-elle déclaré en soirée sur la chaîne de télévision TF1, reconnaissant du coup la difficulté de la contestation judiciaire à venir.

« Que vont-ils faire maintenant ? »

M. Ihl note que le tribunal n’a fait qu’appliquer la loi. L’application immédiate de la peine d’inéligibilité avant la tenue de l’appel est aussi normale, signale-t-il.

D’autres politiciens, y compris l’actuel premier ministre, François Bayrou, qui avait été relaxé au début de 2024, ont eu maille à partir avec la justice pour des raisons similaires, dit-il.

Jean-Pierre Beaud, un spécialiste de politique française rattaché à l’Université du Québec à Montréal, note que le RN avait semblé vouloir « exorciser » le risque de condamnation de Marine Le Pen dans les derniers mois en affirmant que « tout allait bien se passer ».

« Que vont-ils faire maintenant ? C’est la grande question », relève l’analyste, qui compare la complexité de la tâche à laquelle le parti est confronté à résoudre la « quadrature du cercle ».

Marine Le Pen se trouvait en tête des sondages pour la prochaine élection présidentielle, avec près de 35 % des voix au premier tour.

Son protégé de 29 ans, Jordan Bardella, est aussi populaire dans la population, mais paraît trop inexpérimenté pour prendre le relais de manière efficace en cas de retrait définitif de la politicienne, note M. Ihl.

« Jordan Bardella est un atout formidable pour le mouvement, et je le dis depuis longtemps », a indiqué lundi la cheffe du RN, en relevant qu’elle espérait ne pas avoir à « user de cet atout plus tôt qu’il n’est nécessaire ».

Sa mise à l’écart, si elle se confirme, est susceptible de profiter à la droite traditionnelle, relève M. Beaud, qui évoque une possible « droitisation » du discours des Républicains à des fins stratégiques.

Elle pourrait aussi renforcer le RN, particulièrement si le discours de « victimisation » des dirigeants du parti face à la justice fait mouche dans la population, relève M. Ihl.

« Je suis Marine »

Plusieurs ténors de la droite radicale européenne ont apporté leur soutien au parti français lundi, profitant de la condamnation pour étaler leur propre aversion envers les tribunaux et l’Union européenne.

« Je suis Marine », a notamment déclaré le premier ministre de la Hongrie, Viktor Orbán, récupérant une formule utilisée, dans un tout autre registre, après les attentats contre le journal satirique français Charlie Hebdo.

La Russie, qui entretient des liens de longue date avec le RN, a dit s’alarmer de la volonté d’un nombre croissant de pays européens de « violer des normes démocratiques » à des fins politiques.

Les difficultés juridiques de Marine Le Pen pourraient aussi avoir une incidence sur le gouvernement minoritaire français dirigé par François Bayrou, qui s’est borné lundi à dire qu’il était « troublé » par le jugement.

Le RN a pesé lourd dans le fonctionnement du gouvernement actuel, faisant avancer plusieurs exigences en brandissant la possibilité d’un vote de confiance qui paraît moins probable en raison de l’instabilité causée par le jugement.

Malgré la peine d’inéligibilité, Mme Le Pen demeure députée et pourra continuer d’intervenir dans les débats politiques. Elle ne pourra toutefois pas se présenter si l’Assemblée nationale est dissoute prochainement.

Le RN n’a pas de raison d’être plus agressif envers le gouvernement, surtout si ses appuis chutent en réponse à la condamnation de Mme Le Pen.

Il faudra voir comment vont évoluer les sondages, note M. Beaud. « C’est difficile à prédire », admet-il.

Musk et Trump se joignent au concert de dénonciations

De nombreuses voix se sont élevées lundi pour dénoncer le sort de Marine Le Pen. Le milliardaire Elon Musk, proche conseiller du président américain Donald Trump, s’est joint aux critiques en fustigeant un « abus du système judiciaire » et a mis en garde contre « un retour de bâton ». Quant au locataire de la Maison-Blanche, il a comparé la condamnation de Mme Le Pen à ses propres démêlés aux États-Unis, avançant que l’inéligibilité était « une affaire très importante ». L’ex-président du Brésil Jair Bolsonaro (2019-2022), lui-même condamné à une peine d’inéligibilité dans son pays, a dénoncé une « persécution » de Mme Le Pen. « J’espère et j’encourage Mme Le Pen à surmonter cette persécution et à se présenter à la prochaine élection présidentielle » en 2027, a-t-il écrit sur son compte X.

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