Massacrés pour une question de vaudou

Massacrés pour une question de vaudou

Dec 12, 2024 - 09:48
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Massacrés pour une question de vaudou

Plus d’une centaine de personnes, surtout des gens âgés, ont été tuées la fin de semaine dernière dans un massacre commis en partie à l’arme blanche par des membres d’un gang dans un quartier de Cité Soleil, près de Port-au-Prince, selon l’ONU.

Que s’est-il passé ?

Plus d’une centaine de personnes ont été tuées la fin de semaine dernière à Cité Soleil, près de Port-au-Prince, au cours d’exactions qui auraient été ordonnées par le chef de gang Micanor Altès contre des pratiquants du culte vaudou, selon l’ONU. Les victimes étaient pour la plupart âgées de plus de 60 ans et certaines ont été attaquées chez elles et tuées, parfois à l’arme blanche.

L’ONU a parlé de 184 victimes, citant des sources locales. Le Réseau national de défense des droits humains (RNDDH), une ONG haïtienne, a quant à elle déclaré dimanche que le massacre avait fait au moins 110 victimes, ajoutant que « des corps mutilés ont été brûlés dans les rues, notamment des jeunes qui ont été tués en tentant de sauver des résidants ».

Qu’est-ce qui est à l’origine de ce massacre ?

Le massacre est survenu alors que le nouveau-né gravement malade du chef de gang Micanor Altès est mort la fin de semaine dernière, a rapporté l’ONU. Micanor Altès croit que les pratiquants du vaudou ont jeté un mauvais sort à son fils. Il aurait ordonné le massacre pour se venger.

En entrevue, Widlore Mérancourt, journaliste et éditeur en chef du journal en ligne AyiboPost de Port-au-Prince, explique qu’il s’agirait d’une forme d’intolérance religieuse.

« L’adage dit que 100 % des Haïtiens sont vaudouisants ou connaissent le vaudou, dit-il. Les chefs de gang s’affichent comme vaudouisants, ils sont prêts à faire appel aux prêtres et aux prêtresses quand ils en ont besoin. Mais ces mêmes individus sont aussi prêts à attaquer la communauté en toute impunité. »

Quelle est la situation à Cité Soleil maintenant ?

Les exactions sont survenues dans le secteur Wharf Jérémie de Cité Soleil, un endroit qui échappe totalement au contrôle du gouvernement haïtien, et de la force multinationale dirigée par le Kenya. Donc les informations sont difficiles à obtenir.

« C’est très dangereux de s’y rendre, dit Widlore Mérancourt. C’est pour ça qu’il n’y a pas beaucoup de photos de ce qui s’est passé. Les gens qui habitent sur place craignent pour leur vie. Ils refusent souvent de parler aux journalistes, même sous le couvert de l’anonymat. »

Les chefs de gang ont le pouvoir de vie ou de mort dans les quartiers qu’ils contrôlent, rappelle-t-il. « Récemment, un gang a même construit sa propre prison. Des membres du gang imposent des sentences et font office de gardiens. Les gangs sont à l’aise sur leur territoire. Ils ne sont pas inquiétés. »

La force multinationale dirigée par le Kenya peut-elle améliorer la situation ?

Jusqu’ici, la force multinationale menée par le Kenya a eu un impact limité dans les zones qui sont totalement contrôlées par les gangs.

« Il sera difficile pour elle de se rendre à Wharf Jérémie, par exemple, dit M. Mérancourt. La force se plaint d’un manque de matériel spécifique et de personnel. Ils sont 400 alors qu’ils devaient être plus de 2000. Ils n’ont pas ce qu’il faut pour s’attaquer aux gangs. »

Selon l’ONU, plus de 5000 personnes ont été tuées en Haïti depuis le début de l’année.

À quoi peut-on s’attendre pour la suite ?

Haïti connaît une descente dans la violence absolue depuis au moins dix ans, et cette violence s’est accélérée à une vitesse fulgurante depuis l’assassinat du président Jovenel Moïse en 2021, explique M. Mérancourt. « On voit une forme d’expansion du banditisme qui s’est métastasée, pas seulement dans la région métropolitaine de Port-au-Prince, mais aussi d’Artibonite, et de plus en plus d’autres zones autrefois relativement calmes. Pour Port-au-Prince, l’ONU estimait en début d’année que 80 % du territoire était contrôlé par des gangs armés. Dans le plus récent rapport, en novembre, c’était 85 %. C’est une hausse qui s’observe dans le contexte de l’arrivée de forces étrangères en cours d’année. »

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