Pourquoi Israël s’étend-il dans le plateau du Golan ?

Les lignes continuent de bouger en Syrie. En début de semaine, les troupes israéliennes ont accru leur présence sur le plateau du Golan et se sont emparées du plus haut sommet du pays. Des opérations préventives et un message à l’endroit de Damas.

Qu’est-ce que le plateau du Golan ?

Le plateau du Golan est un territoire surélevé de 1800 km² qui sépare Israël de la Syrie. Israël occupe de facto une partie de cette zone historiquement syrienne depuis sa victoire à la guerre des Six Jours en 1967, et l’a officiellement annexée en 1981. Le plateau du Golan, qui surplombe la plaine de Damas, est stratégiquement important pour Israël, car il permet de contrôler la région et de parer aux attaques de ses ennemis historiques.

Pourquoi reparle-t-on du plateau du Golan ?

L’armée israélienne a fait bouger les frontières, plutôt stables jusqu’ici, en pénétrant cette semaine dans la zone tampon qui la sépare du territoire syrien en vertu d’un accord onusien. Outre la zone tampon, Israël s’est aussi déployé sur la partie syrienne du mont Hermon, à la pointe nord du Golan, un sommet de 2814 mètres.

Pourquoi Israël est-il entré dans la zone tampon et a-t-il pris le mont Hermon ?

Le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, a expliqué que cette avancée « limitée et temporaire » visait à mettre la main sur le matériel militaire de l’armée syrienne en déroute, pour éviter que des islamistes s’en emparent.

« Ils veulent s’assurer que les hauteurs du Golan ne seront pas envahies par les gens qui seront au pouvoir à Damas, explique Boaz Atzili, professeur de sciences politiques de l’American University de Washingon. Ils profitent de la situation pour réduire la capacité d’une Syrie unifiée à menacer Israël. »

Pourquoi le mont Hermon est-il important ?

Parce que c’est le point le plus élevé de Syrie, et donc un lieu stratégique. Il permet de contrôler une grande partie des hauteurs du Golan. Il est situé à 60 kilomètres de Damas et permet aussi de surveiller la capitale syrienne. Sur l’autre versant, il surplombe le Sud libanais et permet d’avoir un œil sur le Hezbollah, qui aurait des positions dans la plaine de la Beqaa. En raison de sa hauteur, il permet aussi de contrôler d’éventuels drones et aéronefs iraniens. « À partir de là, vous voyez tout arriver », résume Benjamin Toubol, doctorant en sciences politiques à l’Université Laval.

Quel signal envoie Israël en mettant la main sur cette portion du territoire syrien ?

Israël veut montrer à la Syrie qu’il la tient à l’œil, même si on ne connaît pas encore les intentions du nouveau régime. Pour Boaz Atzili, ce message a le défaut de créer « une situation hostile dès le départ », alors que ce n’était peut-être pas nécessaire. « D’un point de vue diplomatique, l’autre option aurait été pour Israël d’attendre de voir qui prend le pouvoir à Damas. Mais ce n’est pas la voie suivie. » M. Atzili constate cette même hostilité dans les centaines de bombardements préventifs menés par Israël depuis lundi sur les installations militaires syriennes, qui auraient notamment détruit la flotte syrienne et des dépôts d’armes chimiques.

Quelles sont les chances que la Syrie veuille reprendre le mont Hermon, quelles sont les chances qu’Israël le lui rende ?

Si le nouveau gouvernement syrien fait preuve d’agressivité, Israël sera moins enclin à quitter les lieux. Cela peut aussi dépendre du prochain gouvernement en Israël. Un gouvernement d’extrême droite sera sans doute plus réticent à abandonner le mont Hermon qu’un gouvernement plus modéré. Sans oublier la menace de l’Iran, qui risque de peser dans la balance. « In fine, tant que la situation sécuritaire n’aura pas évolué, on peut imaginer qu’il y aura une présence militaire israélienne sur le mont Hermon », résume Benjamin Toubol. Boaz Atzili croit toutefois que, sans ses habituels soutiens russe et iranien, la Syrie sera « beaucoup plus faible » et ne devrait pas représenter une grosse menace pour Israël.

Que dire du plateau du Golan ? Israël peut-il un jour restituer ce territoire à la Syrie, comme le demande l’ONU par voie de résolution depuis 1967 ?

À moins d’un ordre totalement nouveau au Moyen-Orient, on voit mal comment l’État hébreu voudrait rendre ce lieu de haute importance stratégique, qui est une porte d’entrée sur la Galilée. En 2019, le président américain, Donald Trump, a aussi reconnu officiellement que le plateau du Golan appartenait à Israël. Ce territoire fertile possède en outre le tiers des réserves en eau d’Israël, étant la source principale d’approvisionnement du lac de Tibériade et du Jourdain. Il est habité par environ 50 000 personnes, majoritairement des Druzes, mais aussi des Juifs arabes et des colons israéliens.

« Dans les faits, le Golan fait tellement partie du paysage politique, social et géographique d’Israël que c’est pratiquement impossible qu’Israël imagine rendre ce territoire », souligne Benjamin Toubol. « Si un jour il y a une véritable paix entre Israël et la Syrie, ce point stratégique jouera un rôle beaucoup moins important, mais cela semble improbable dans un avenir prévisible », ajoute Boaz Atzili. Pour l’expert, le plus important à l’heure actuelle est d’obtenir une situation stable et de revenir aux frontières qui existaient avant la semaine dernière, avant même de parler d’une situation pacifique à long terme sur les hauteurs du Golan.