Les Russes veulent redémarrer la centrale nucléaire de Zaporijjia

Les Russes veulent redémarrer la centrale nucléaire de Zaporijjia

May 28, 2025 - 12:47
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Les Russes veulent redémarrer la centrale nucléaire de Zaporijjia

La Russie construit des lignes électriques dans le sud-est de l’Ukraine occupée afin de relier à son réseau la grande centrale nucléaire de Zaporijjia, selon Greenpeace. Cela démontre l’intention de Moscou de redémarrer cette installation hors service, malgré les risques et les appels à régler le statut de la centrale dans le cadre des négociations de paix.

La centrale a été saisie par la Russie au début de la guerre, une action condamnée par la communauté internationale. Sa proximité avec le front fait craindre une catastrophe nucléaire, alors que des experts ont fortement déconseillé de la remettre en service dans les conditions actuelles.

Un rapport de Greenpeace, communiqué au New York Times, comprend des images satellites montrant que la Russie a construit depuis février plus de 80 km de lignes électriques sur pylônes entre les villes ukrainiennes occupées de Marioupol et de Berdiansk, sur la côte de la mer d’Azov. Les images satellites ont été vérifiées par le Times.

INFOGRAPHIE LA PRESSE

Les travaux donnent à penser que les nouvelles lignes vont relier la centrale à une grande sous-station près de Marioupol, 225 km à l’ouest.

« Le plan de Poutine pour redémarrer Zaporijjia dépend de la mise en place de nouvelles lignes électriques », explique Shaun Burnie, spécialiste du nucléaire chez Greenpeace Ukraine. « C’est la première preuve matérielle de ce projet. »

Pas un plan à court terme

L’intention exacte des Russes reste floue. Prévoient-ils son exploitation après la guerre ou pendant que les combats font encore rage ? Dans les deux cas, selon les experts, Moscou devrait ériger plusieurs lignes supplémentaires pour relier la centrale de Zaporijjia au réseau russe, ce qui prendrait du temps.

PHOTO ARCHIVES REUTERS

Des roquettes lancées par l’armée ukrainienne vers les troupes russes, dans l’oblast de Zaporijjia, le 23 mai dernier

Selon Olga Kosharna, experte nucléaire ukrainienne, ce raccordement de la centrale est un objectif de longue date de Moscou, plusieurs fois exprimé dans des déclarations officielles tout au long de la guerre.

Ce serait la première fois qu’un pays en guerre s’empare d’une centrale nucléaire étrangère pour satisfaire ses besoins énergétiques.

Ce projet irait à l’encontre des efforts récents de l’administration Trump pour discuter du sort de la centrale dans le cadre d’éventuelles négociations de paix.

Donald Trump a exprimé le souhait que les centrales nucléaires ukrainiennes soient sous contrôle américain, invoquant des raisons de sécurité et leur potentiel économique. En avril, la Maison-Blanche a présenté à Kyiv un plan de paix demandant à la Russie de restituer la centrale à l’Ukraine, mais sous gestion américaine. Selon ce plan – rejeté d’emblée par Moscou –, Zaporijjia fournirait de l’électricité à l’Ukraine et à la Russie.

La centrale de Zaporijjia est exploitée par le géant nucléaire russe Rosatom et « aucun changement n’est envisageable », a déclaré le ministre des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov.

Sollicités pour cet article, Rosatom et le ministère russe de l’Énergie n’ont pas répondu.

PHOTO BANQUE D’IMAGES DE L’AGENCE INTERNATIONALE DE L’ÉNERGIE ATOMIQUE

Le réacteur No 2 de la centrale de Zaporijjia lors de l’inspection par l’Agence internationale de l’énergie atomique de la centrale en septembre 2022

Construite à l’époque soviétique, la centrale de Zaporijja est le plus grand complexe nucléaire d’Europe. Ses six réacteurs peuvent produire jusqu’à six gigawatts d’électricité, soit assez pour alimenter tout le Portugal. Ils fournissaient près d’un quart de l’électricité de l’Ukraine avant l’invasion russe en 2022.

La centrale est située dans l’oblast (région administrative) de Zaporijjia, dans une zone occupée par la Russie, à proximité du front, ce qui rendrait dangereuse son exploitation. Les Russes ont progressivement arrêté les six réacteurs après avoir conquis le site. Le dernier a fermé en 2023.

Moscou avait déjà affirmé son intention de la remettre en service, évoquant l’année 2024 comme cible.

« Tout le monde rêve de redémarrer la centrale », a déclaré la semaine dernière le PDG de Rosatom, Alexeï Likhachev, à l’agence de presse russe Interfax. Un plan a été élaboré pour rétablir sa pleine capacité, impliquant cependant la nécessité de « remplacer le réseau électrique », a-t-il ajouté.

Sur les quatre lignes de 750 kV qui reliaient autrefois la centrale au réseau ukrainien, deux traversent le territoire contrôlé par l’Ukraine. Les deux autres, situées sur le territoire occupé par la Russie, ont été endommagées par les combats et une seule aurait été réparée, selon Olga Kosharna.

La centrale ne peut être exploitée à 100 % avec la ligne existante, donc les Russes doivent en construire de nouvelles, explique M. Burnie, de Greenpeace.

Selon lui, Moscou vise peut-être à relier à terme la centrale de Zaporijjia au réseau électrique de la région russe de Rostov, qui borde les zones occupées de l’est de l’Ukraine.

Des images satellites obtenues par Greenpeace montrent de nouvelles lignes électriques en cours de construction à travers les champs près de Marioupol, ainsi que la forme triangulaire caractéristique des pylônes de transmission. Les dernières images, prises entre le 11 et le 22 mai, montrent que ces lignes s’étendent à l’est du village de Shevshenko, à environ 11 km d’une sous-station reliée à la centrale nucléaire de Zaporijjia.

Selon les experts en énergie, le redémarrage de la centrale nucléaire de Zaporijjia comporterait des risques importants.

Après plus de trois ans de guerre, des équipements essentiels n’ont toujours pas été remplacés et de nombreux employés ukrainiens expérimentés ont fui.

PHOTO BANQUE D’IMAGES DE L’AGENCE INTERNATIONALE DE L’ÉNERGIE ATOMIQUE

Des experts observant les dégâts causés par un tir d’artillerie sur l’extérieur d’un bâtiment de la centrale abritant des déchets radioactifs solides et du combustible nucléaire neuf

La destruction en 2023 d’un barrage voisin sur le Dniepr, probablement par la Russie, a également privé la centrale de sa principale source d’eau nécessaire au refroidissement de ses réacteurs et de ses barres de combustible usées.

Herman Halouchtchenko, ministre de l’Énergie de l’Ukraine, a déclaré dans un communiqué que « toute tentative des représentants russes de redémarrer les unités de production d’électricité pourrait avoir des conséquences imprévisibles ».

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