Les dessous du premier Angélus
Les dessous du premier Angélus

Dimanche midi Léon XIV est apparu au balcon de la basilique Saint-Pierre pour l’Angélus, le discours que les papes font tous les dimanches au peuple de Rome depuis que Pie XII a lancé la tradition en 1954.
Parmi les 150 000 fidèles réunis pour l’écouter, se trouvait Marco Carroggio, professeur de communications à l’Université Santa Croce de l’Opus Dei. Son œil averti a tout de suite découvert plusieurs nouveautés du pape américain : le pape a chanté une prière, il a applaudi avec la foule et il a comparé le monde actuel à l’Église des premiers siècles.
« C’est le premier pape qui chante, dit M. Carroggio. Il a la spontanéité des Américains. Mais en même temps il sait qu’il n’est pas aussi charismatique que François l’était. À chacune de ses trois premières interventions publiques depuis jeudi soir, il prend soin de dire qu’il est le successeur de Pierre et de Jésus. Comme pour dire : Jésus est le vrai pasteur, ce n’est pas le pape. Vendredi dans son homélie aux cardinaux il avait dit que Jésus n’est pas un surhomme. Là il dit le pape n’est pas un surhomme. En d’autres mots, ne vous attendez pas à ce que je sois aussi charismatique que François. »
Autre nouveauté, Léon XIV a célébré dimanche matin une messe sur la tombe de saint Pierre, dans les catacombes sous la basilique. « Ça confirme qu’il veut détourner les projecteurs de sa personne. D’autres papes ont visité la tombe de saint Pierre, mais aucun n’en a fait un des premiers actes de son pontificat. »
Marco Carroggio se souvient qu’en 2013, quand François a été élu, Robert Prevost, qui dirigeait alors l’ordre religieux des augustiniens, a déclaré à la télévision qu’il était soulagé parce que cela signifiait qu’il ne serait pas nommé évêque, à cause de différends qu’il avait eus avec François quand ce dernier était archevêque de Buenos Aires. « Visiblement, François a appris à apprécier Prevost. Mais ça montre bien que ceux qui disent que Léon XIV est identique à François se trompent. »
Jean-Paul II
Des pèlerins polonais qui ont demandé à La Presse de prendre leur photo juste avant le discours de Léon XIV confirmaient cette analyse. « Nous aimons beaucoup le nouveau pape, mais c’est sûr que François était plus chaleureux », dit Mateusz Burchacki, qui est venu avec sa famille et un oncle prêtre de Bialystok. « Il nous rappelait notre pape, Jean-Paul II. »
M. Carroggio a aussi été frappé par la quantité de drapeaux péruviens sur la place. « Il y en a beaucoup plus que de drapeaux américains. » Après l’Angélus, les groupes de Péruviens scandaient « le pape est péruvien ».
Le discours du pape citait Grégoire le Grand, pape entre 590 et 604. Les augustiniens ont l’habitude de citer l’un des pères de l’Église (les premiers théologiens) à chaque homélie, dit M. Carroggio.
« En quelque sorte, le monde d’aujourd’hui est très similaire aux premiers siècles de l’Église. Il y a des régions où l’Église est en croissance, où l’évangélisation amène le message du Christ à des gens qui n’en avaient pas entendu parler. Et il y a l’Occident, qui s’est éloigné du Christ et qu’il faut réévangéliser. D’ailleurs Léon a appelé aujourd’hui à une augmentation du nombre de vocations. Quand il dirigeait les augustiniens, il insistait pour que les prêtres parlent aux jeunes pour les intéresser au sacerdoce. »
Techniquement l’Angélus est le nom de la prière du midi. Mais la tradition dominicale inclut un bref commentaire des évangiles et un message. Ce message dimanche était un appel à la paix, en Ukraine, à Gaza et dans le conflit indo-pakistanais. Léon XIV a repris une formule de François, déplorant une « troisième guerre mondiale en morceaux ».
Motu proprio
Attablé à un café de Borgo Pio, le quartier voisin du Vatican, M. Carroggio a expliqué à La Presse comment il comprenait le choix de Robert Prevost. Il a été frappé de voir que les « divisions dans l’Église » ont été abordées à chacune des 12 « congrégations générales », les réunions de cardinaux qui ont précédé le conclave. « Je crois que Prevost a été choisi pour sa capacité à établir des ponts entre des groupes qui s’opposent. Il sait écouter aimablement, amener à des compromis. »
Même les partisans des réformes voulues par François – par exemple une plus grande ouverture sur les couples non traditionnels ou une plus grande participation des femmes et des laïcs à la vie de l’Église – trouvaient qu’il était lui-même polarisant, selon lui. « Par exemple il aimait beaucoup les prêtres des prisons, des refuges pour itinérants et pour migrants. Les prêtres qui avaient des paroisses normales pouvaient avoir tendance à se sentir moins importants. »
François a aussi introduit la plupart de ses réformes avec des documents appelés « motu proprio », l’équivalent des « ordres exécutifs » émis par les présidents américains qui ne parviennent pas à faire adopter les lois qu’ils désirent. Il en a fait deux fois plus en 12 ans que Jean-Paul II en 27 ans. « Ça faisait en sorte que parfois il y avait des contradictions entre les motu proprio. Léon XIV est plus systématique, il va y avoir plus de cohérence dans tous les changements. »
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