Haïti approche du « point de non-retour », alerte l’ONU
Haïti approche du « point de non-retour », alerte l’ONU

(Nations unies) Subissant une nouvelle escalade des attaques des gangs, Haïti s’approche du « point de non-retour », a alerté l’ONU lundi, appelant la communauté internationale à agir pour empêcher le pays de plonger dans un « chaos total ».
« Nous approchons d’un point de non-retour. Alors que la violence des gangs continue de se propager dans de nouvelles zones du pays, les Haïtiens vivent dans une vulnérabilité de plus en plus grande et sont de plus en plus sceptiques sur la capacité de l’État à répondre à leurs besoins », a déclaré devant le Conseil de sécurité Maria Isabel Salvador, représentante spéciale de l’ONU dans le pays.
« Sans aide internationale décisive, concrète et dans les délais », « Haïti pourrait faire face à un chaos total », s’est-elle inquiétée, décrivant les attaques coordonnées menées par les gangs pour accroître encore leur contrôle à Port-au-Prince et dans d’autres régions jusqu’ici relativement épargnées.
Dans son rapport trimestriel vu par l’AFP lundi, le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres évoque lui les « craintes d’un effondrement imminent de la présence de l’État à Port-au-Prince », capitale déjà contrôlée à environ 85 % par les gangs.
Un soutien supplémentaire à la police est « requis immédiatement » pour qu’elle empêche « la capitale de glisser vers le précipice », écrit-il.
« La République d’Haïti est en train de mourir à petit feu sous l’action combinée des gangs armés, des narcotrafiquants, et des trafiquants d’armes », a déploré de son côté l’ambassadeur haïtien Ericq Pierre, appelant ses partenaires à « aider à débarrasser le pays des gangs qui terrorisent la population ».
Pays le plus pauvre des Amériques, Haïti pâtit depuis longtemps des violences des bandes criminelles, accusées de meurtres, viols, pillages et enlèvements, dans un contexte d’instabilité politique.
Le pays dirigé par des institutions de transition a connu un nouveau regain de violence depuis mi-février.

Viols collectifs
Ainsi, « en février et mars, 1086 personnes ont été tuées et 383 blessées », a indiqué Maria Isabel Salvador. Plus de 5000 personnes avaient été tuées en 2024.
Et ce en dépit du déploiement partiel de la mission multinationale de sécurité (MMAS) menée par le Kenya pour aider la police haïtienne dépassée.
La mission autorisée par le Conseil de sécurité de l’ONU compte désormais environ un millier de policiers de six pays, encore loin des 2500 attendus.
« Une augmentation urgente du personnel de la MMAS est essentielle », a plaidé lundi Monica Juma, conseillère à la sécurité nationale du président kényan, alors que la mission fait toujours face à des manques criants de ressources.
Elle a noté que 261 policiers kényans formés et prêts sont toujours en attente de déploiement « en raison d’un manque d’équipements et de soutien logistique ».
Décrivant une situation humanitaire déplorable, Maria Isabel Salvador s’est d’autre part inquiétée des manques de financements pour les opérations de l’ONU, sans citer spécifiquement les coupes budgétaires décidées par les États-Unis.
Notamment pour des raisons de sécurité, l’ONU a déjà dû réduire sa présence dans la capitale.
« Sans financements suffisants et prévisibles, même une présence onusienne minimale pourrait devenir intenable […] Sans cette aide vitale, les opérations de l’ONU pourraient être encore réduites, au moment où le pays a le plus besoin de nous. »
Dans ce contexte, elle a appelé le Conseil à ajouter des noms à la liste des personnes sanctionnées par l’ONU (sept à ce jour) et à faire respecter l’embargo sur les armes.
Dans une déclaration conjointe, plusieurs membres du Conseil dont la France et le Royaume-Uni ont réclamé de nouvelles sanctions « ciblées contre les responsables de violence sexuelle », utilisée par les gangs « comme un moyen d’asservissement et de terreur ».
Selon le rapport d’Antonio Guterres, d’octobre 2024 à février 2025, 379 victimes de violences sexuelles ont été enregistrées, dont 61 % victimes de viols collectifs (une hausse de 21 % par rapport aux trois mois précédents) et 34 % de viols.
Le chef de l’ONU s’inquiète d’autre part des méthodes de certains policiers, évoquant notamment des informations sur des exécutions sommaires, mais aussi des victimes collatérales.
Ainsi, en trois mois, 702 personnes ont été tuées lors d’opérations antigangs de la police, dont 21 % de civils non impliqués.
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