Élections législatives en France, Vers un nouveau paysage politique
Élections législatives en France Vers un nouveau paysage politique
Les résultats du premier tour des élections législatives ont bouleversé la vie politique française. Entre une percée de l’extrême droite et un effritement du parti présidentiel, que doit-on retenir de ce scrutin ? La Presse s’est entretenue avec deux experts.
Quels messages envoient ces résultats ?
De l’avis de la professeure au département de science politique de l’Université de Montréal et directrice du Centre Jean Monnet, Laurie Beaudonnet, ces résultats montrent avant tout « l’effondrement de la majorité présidentielle ».
Le pari qu’avait fait Emmanuel Macron de dissoudre l’Assemblée nationale pour regagner une majorité et lui permettre ainsi de finir confortablement son quinquennat « n’a pas fonctionné ».
Cet avis est partagé par le doctorant en science politique à l’Université de Montréal Julien Robin. Les résultats de dimanche montrent selon lui qu’un « changement de paradigme » frappe de plein fouet la vie politique française.
« Là, on voit une vague bleu marine dans la grande majorité des circonscriptions françaises », dit celui qui se spécialise notamment dans l’évolution des groupes parlementaires à l’Assemblée nationale sur les 15 dernières années. « On est en train de voir la montée prévisible du RN [Rassemblement national] depuis 20 à 30 ans et qui se déroule sous nos yeux. »
La métamorphose progressive de la vie politique française s’est accélérée depuis sept ans avec l’arrivée d’Emmanuel Macron au pouvoir.
« [Il] a fait sauter les digues entre la gauche et la droite, sauf que là, ça a renforcé le RN, ajoute Julien Robin. On voit qu’il domine le premier tour, mais surtout qu’il s’est installé en profondeur dans l’électorat français. Il a une base électorale qui ne bouge plus et qui lui est fidèle. »
À quoi s’attendre pour le second tour ?
Pour Julien Robin, le scénario le plus plausible écarterait l’idée d’une « large majorité absolue » du RN à l’Assemblée nationale, mais lui donnerait plutôt une majorité confortable, qu’elle soit absolue ou relative.
Ces élections sont marquées par un nombre record de circonscriptions dans lesquelles trois candidats se sont qualifiés au second tour, autrement appelées triangulaires. On en dénombrait dimanche soir plusieurs centaines contre seulement 8 en 2022.
« Avant, il y avait une multiplication des candidats, mais là, les coalitions se sont faites dès le premier tour, explique Julien Robin. En faisant ça, on maximise ses chances de se qualifier au second tour alors qu’avant, les coalitions se formaient au second tour. »
Laurie Beaudonnet s’attend à voir du mouvement dans ces circonscriptions lors du second tour, notamment à cause des désistements et de la fragmentation du camp présidentiel. Elle soutient qu’encore beaucoup de candidats pensent qu’il est possible de faire « barrage face à l’extrême droite ».
Qu’est-ce qu’impliquerait une cohabitation pour Emmanuel Macron ?
Le choix du premier ministre revient inévitablement au président, mais la règle veut qu’il suive la couleur du groupe majoritaire à l’Assemblée nationale.
Même si son premier ministre est d’une famille politique différente, Emmanuel Macron conserve tout de même certains pouvoirs. Il continue par exemple de représenter la France sur la scène internationale et demeure le chef des armées.
« C’est le premier ministre qui a le pouvoir exécutif, donc dans ce cas-là, le président est garant des institutions, explique Laurie Beaudonnet. Il pourrait exercer un rôle de garde-fou comme en Italie, où le président de la République peut avoir un discours de tempérance par rapport aux réformes du système politique. »
Considérant l’absence de consensus autour de la dissolution de l’Assemblée nationale au sein de son camp, le président Macron a « commencé à perdre énormément de ses soutiens », affirme Mme Beaudonnet.
« Il va très probablement être très isolé après le [second tour]. Il va continuer à avoir des prérogatives et certains rôles qui lui reviennent en tant que chef de l’État […], mais ça va être très compliqué. »
Le président reste toutefois celui qui nomme les personnes qui siègent au Conseil constitutionnel. Ce dernier s’assure que les lois respectent la Constitution française et il les abroge dans le cas contraire. Emmanuel Macron doit nommer ces membres en 2025 avant la fin de son mandat.
La France sera-t-elle facilement gouvernable ?
Dans le cas d’une majorité relative du RN, le parti aura de la difficulté à faire des alliances pour passer ses propositions de loi, car il ne possède « aucune base idéologique » avec de nombreux partis de l’Assemblée nationale, explique Laurie Beaudonnet.
« La droite et le centre n’ont pas d’intérêt à soutenir le gouvernement du RN parce qu’ils ont intérêt à ce que ça ne se passe pas bien pour lui pour les trois prochaines années », explique Laurie Beaudonnet.
Selon elle, l’objectif ici est de faire en sorte que le Rassemblement national apparaisse comme « un parti qui n’est pas capable de gouverner ».
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