Champs de Mars : nettoyage et présence policière, une capitale en quête de normalité
Champs de Mars : nettoyage et présence policière, une capitale en quête de normalité

Depuis plusieurs jours, le gouvernement haïtien multiplie les efforts pour reprendre le contrôle de plusieurs zones du centre-ville de Port-au-Prince. Ainsi, des équipes de nettoyage épaulées par des forces de l’ordre sillonnent désormais des rues autrefois désertées, tandis que les habitants oscillent encore entre espoir et méfiance.
Dans les rues Capois, Magloire Ambroise, Saint-Honoré et autour du Champ de Mars, les signes d’une reprise timide de la vie urbaine commencent à apparaître. Désormais, les camions de collecte des ordures circulent à nouveau, débarrassant les trottoirs et artères des amas de déchets accumulés depuis des mois. De plus, aux abords du « Triomphe », des agents du ministère des Travaux publics et de la Communication (MTPTC) s’affairent, balais en main, tandis que des policiers patrouillent les places environnantes. Cependant, derrière cette image de propreté retrouvée, la tension demeure palpable.
« Vous pouvez passer, mais restez prudents. Si les gangs savent qui vous êtes, vous pourriez ne pas revenir », avertit un policier en faction près de la faculté d'ethnologie sur l’avenir Magloire Ambroise et la rue Saint Honoré. Cet avertissement illustre parfaitement la fragilité de cette trêve précaire dans un quartier où, il y a encore peu, les tirs résonnent presque quotidiennement.
Aux abords du Palais national, les rues paraissent étrangement calmes. En effet, peu de commerçants ont repris leurs activités et seuls quelques passants pressés s’aventurent dans cette zone longtemps considérée comme l’épicentre de l’insécurité. Par ailleurs, dans d’autres quartiers comme Téléco, à Kenscoff, des embuscades récentes rappellent la brutalité persistante des groupes armés. Ainsi, malgré les efforts déployés, la peur continue de hanter les esprits.
Pourtant, certaines zones montrent des signes encourageants de reprise. Sur la rue Capois, entre l’ambassade de France et le Champ de Mars, les marchands réapparaissent timidement. Les vendeurs de téléphones et d’objets artisanaux reprennent peu à peu leur place sur les trottoirs, signe que les habitants cherchent à renouer avec une certaine normalité.
Vendredi 12 septembre 2025, lors d’une visite de terrain, Gazette Haïti News a pu constater que plusieurs institutions culturelles situées dans le kiosque Occide Jeanty reprennent progressivement leurs activités. Au Théâtre national, à l’École nationale des arts (ENARTS) et au Bureau des archives du ministère de la Culture et de la Communication, la reprise est visible.
Saintine Pierre-André, responsable du Bureau des archives, se réjouit de voir ses équipes revenir au travail après des mois de paralysie. « La situation était très difficile auparavant. Beaucoup d’employés n’osaient pas venir, mais les choses commencent à s’améliorer. Nous faisons tout pour que les services fonctionnent à nouveau normalement », explique-t-il.
Le Bureau des archives compte plus de 16 employés, dont certains travaillent toujours à distance. Pierre-André plaide pour la mise en place de mesures concrètes afin d’encourager le retour du personnel : « Il faut garantir un minimum de sécurité pour que les travailleurs puissent exercer leur métier sans craindre pour leur vie. »
Pendant des mois, les gangs ont imposé leur loi au centre-ville de Port-au-Prince, semant la peur à travers des pillages et provoquant des déplacements massifs de population. Les zones stratégiques, comme l’Avenue Christophe, Magloire Ambroise et la rue Saint-Honoré, étaient devenues des couloirs de mort, où seuls les groupes armés circulaient librement.
Aujourd’hui, les forces de l’ordre ont réussi à installer des postes de police sur la « Place des Artistes », rue Saint-Honoré et rue Magloire Ambroise. Néanmoins, les habitants demeurent prudents. La méfiance est telle que certains fonctionnaires hésitent encore à regagner leurs bureaux. « Le traumatisme est profond. Les employés ont besoin d’être rassurés », admet Pierre-André.
Selon un marchand de téléphone rencontré rue Capois, le Ministère des Travaux publics (MTPTC) et la Mairie de Port-au-Prince collaborent étroitement pour transformer le visage de la capitale. Les rues, autrefois jonchées de carcasses de voitures et de monceaux de détritus, sont désormais en cours de désencombrement. Progressivement, les agents municipaux et les équipes de collecte redonnent au Champ de Mars et à ses environs une apparence de place publique.
Dans plusieurs interviews, des citoyens ont dit que ces efforts rappellent une époque où le champ de mars était un lieu de vie culturelle, économique et administrative. « Il y a quelques années, venir ici était normal. Aujourd’hui, chaque pas est un risque. Mais on veut croire que les choses peuvent changer », confie un commerçant de la rue Capois, surveillant son étal d’un œil inquiet.
Cette initiative gouvernementale s’inscrit dans une stratégie plus large visant à restaurer la présence de l’État au cœur de la capitale. Toutefois, la reprise reste fragile : les gangs, toujours présents dans certains quartiers périphériques, continuent de représenter une menace constante.
Pour Pierre-André et d’autres responsables, sécuriser les institutions publiques est essentiel pour convaincre les employés et les citoyens de revenir. « Nos archives représentent une partie de l’histoire du pays. Il est urgent de protéger ce patrimoine et de permettre à nos équipes de travailler dans la dignité », insiste-t-il.
Malgré tout, certains signes laissent entrevoir un avenir meilleur. Les rues nettoyées, les premiers véhicules circulant sans crainte et les stands de marchands qui reprennent vie symbolisent une volonté collective de reconstruire. « On veut retrouver une ville où l’on peut marcher sans peur, où nos enfants peuvent aller à l’école sans crainte des balles perdues », souffle une marchande croisée près de l’avenue Christophe.
Si les opérations de nettoyage et de sécurisation semblent porter leurs fruits, elles ne constituent qu’une première étape. Les habitants, les commerçants et les institutions réclament une stratégie durable pour que Port-au-Prince cesse d’être un champ de bataille. Pour beaucoup, la reconquête du centre-ville représente bien plus qu’une simple opération policière : elle symbolise l’espoir d’un retour à une vie normale, d’une capitale où l’État est à nouveau présent. Mais ce combat exige une volonté politique forte, des moyens conséquents et, surtout, une sécurité permanente.
« Port-au-Prince a besoin de respirer. Ces efforts doivent se poursuivre pour qu’on ne revive jamais les mois d’horreur qu’on vient de traverser », conclut Pierre-André, le regard tourné vers ses bureaux fraîchement nettoyés.
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