Le naufrage de la république

Le naufrage de la république

Feb 3, 2025 - 10:39
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Le naufrage de la république

Washington) L’imposition brutale de tarifs douaniers par les États-Unis n’est pas seulement un acte de guerre commerciale. C’est aussi le symptôme d’un changement de régime politique à Washington.

La république américaine, comme tous les autres systèmes politiques, n’a jamais tenu les promesses de sa glorieuse Constitution. Mais les dirigeants prétendaient y parvenir.

Ce n’est plus le cas. C’est un nouvel ordre politique interne qui se met en place avec Donald Trump, deuxième version. L’ex-chef interarmées Mark Milley, le plus haut gradé des États-Unis, choisi par Trump lui-même en 2019, a averti le public américain : « cet homme est un fasciste jusque dans la moelle ».

Plusieurs ont haussé les épaules. Trump, c’est Trump, arrêtez de vous énerver. On l’a vu faire déjà, c’est seulement son caractère…

C’est beaucoup plus profond que ça, et cette fois, il est arrivé avec un plan, des gens, des moyens.

Ce qu’il est en train d’accomplir en ce moment à vitesse grand V, c’est le démantèlement de la république américaine et son remplacement par un régime autoritaire.

Un régime où les traités signés avec les partenaires les plus fiables ne valent plus rien, comme on vient de le voir. Mais aussi un régime où la loi est récrite dans le bureau du président.

Tout ce qui arrive depuis deux semaines a été annoncé, promis, écrit en détail dans des articles ou dans les 900 pages du Projet 2025. Absolument tout. Y compris l’atmosphère de violence sourde qui pèse autour des détracteurs du régime.

Commençons par la violence, tiens, un trait commun des régimes autoritaires.

Au premier jour de sa présidence, parmi les dizaines de décrets que Trump a signés, il y avait la grâce offerte aux 1500 personnes condamnées, accusées ou recherchées pour l’invasion du Capitole, le 6 janvier 2021.

Les 14 plus violents d’entre eux ont été libérés de prison sans être graciés. Parmi eux, le fondateur d’une milice d’extrême droite, Stewart Rhodes, condamné à 18 ans de pénitencier pour complot séditieux. Lui n’était pas au Capitole par étourderie ou pour suivre la foule. Il voulait faire un coup d’État.

La même semaine, Rhodes s’en va faire un tour… au Capitole. Une vengeance, oui, mais une réhabilitation politique. On l’a ensuite vu dans un rassemblement de Trump à Las Vegas, bien en vue derrière le président.

Ce n’est pas une anecdote, c’est un message. Les troupes souterraines de Trump sont en réserve.

Rhodes a d’ailleurs annoncé un châtiment à venir contre ses ennemis politiques.

Pendant ce temps, le général Milley se fait retirer sa protection sur ordre de Trump. Comme il l’a fait pour Anthony Fauci, devenu le symbole des mesures sanitaires pendant la COVID-19. Le scientifique est un héros de la lutte contre le sida. Mais il a eu le tort d’exposer l’insouciance et l’incompétence de Trump. Il est sous le coup de menaces incessantes, sérieuses.

Trump ne s’est pas contenté de retirer leur protection à une série de hauts responsables de son administration. Il s’est arrangé pour le faire savoir. Que tous les autres dissidents soient avisés : critiquez Trump à vos risques et périls.

En même temps, « des douzaines » de procureurs responsables des dossiers du 6-Janvier ont été carrément congédiés par l’administration, comme s’ils avaient commis une faute professionnelle. Congédiement sûrement illégal, mais qui s’en soucie ?

Des milliers – je dis bien des milliers – de dossiers d’agents du FBI sont examinés par l’administration Trump pour voir s’ils ont travaillé dans les dossiers criminels de Trump.

Cela s’appelle une purge. Une purge dans des institutions qui doivent jouir d’une indépendance certaine et appliquer la loi, pas se soumettre aux ordres de vengeance criminelle du président.

Ça ne s’arrête pas là. Les fonctionnaires fédéraux se sont tous fait offrir une retraite anticipée, avec six mois de salaire, pour être remplacés par des fidèles de Trump.

Pendant ce temps, Elon Musk, l’homme le plus riche au monde, est chargé de démanteler l’État fédéral le plus possible. Il n’a aucune fonction officielle dans le gouvernement, mais déjà, il envoie ses gens dans les différentes agences pour obtenir de l’information.

Quand l’Agence américaine pour le développement international (USAID) a été visitée par son équipe, on lui a refusé l’accès à des informations « classées » et confidentielles sur des employés. Il a utilisé X, qu’il possède, et où il a 215 millions d’abonnés, pour traiter l’agence d’organisation criminelle. Deux hauts responsables de USAID qui s’étaient opposés à Musk ont été suspendus.

N’oublions pas que Musk a établi un record absolu de conflit d’intérêts. Jamais un individu n’avait investi autant d’argent et de ressources informatiques et de communication pour faire élire un président américain.

Comme par hasard, certaines des agences qu’il va décider de supprimer réglementent ses activités, lui réclament des taxes, lui donnent des contrats ou des subventions, etc.

Oligarchie, ploutocratie, choisissez votre définition… Mais ce n’est pas ainsi que doit fonctionner une république, même mal dirigée, même mal gouvernée par des lois imparfaites.

Un autre régime s’installe.

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