Les enquêteurs échouent à arrêter le président déchu
Les enquêteurs échouent à arrêter le président déchu

(Séoul) Les enquêteurs sud-coréens ont essayé en vain vendredi d’arrêter le président déchu Yoon Suk-yeol, protégé par sa garde rapprochée dans sa résidence de Séoul, nouveau rebondissement rocambolesque dans la grave crise provoquée par sa tentative ratée d’imposer la loi martiale.
Un mois jour pour jour après son coup de force, les procureurs et agents du Bureau d’enquête sur la corruption des hautes personnalités (CIO), qui centralise l’enquête pour « rébellion » ouverte contre M. Yoon, sont restés pendant près six heures à l’intérieur de la résidence présidentielle, sur les hauteurs du quartier chic de Hannam.
Les forces de sécurité du président ont d’abord bloqué le chemin d’accès à l’aide d’une dizaine de minibus et d’autres véhicules.
Les 20 enquêteurs du CIO assistés de 80 policiers ont tout de même réussi à entrer dans la propriété « en empruntant un sentier détourné à flanc de colline », a expliqué un responsable du CIO lors d’une conférence de presse.
Ils se sont alors heurtés à quelque 200 soldats et agents du service de sécurité présidentiel, qui ont formé une muraille humaine en se tenant par les bras.
Les enquêteurs ont fini par en sortir vers 13 h 30 (23 h 30 heure de l’Est), bredouilles, sous les objectifs des caméras et de centaines de manifestants pro-Yoon rassemblés à l’extérieur.
« Altercations »
« Il y a eu des altercations physiques mineures et majeures » entre les deux camps, a-t-il poursuivi, en précisant qu’aucun membre de son équipe n’avait aperçu Yoon Suk-yeol au cours du raid.
« Forcer le passage n’était pas possible de façon réaliste », a-t-il ajouté, invoquant « de sérieuses craintes pour la sécurité ».
Le service de sécurité présidentiel avait déjà empêché plusieurs perquisitions ces derniers jours des enquêteurs au domicile du président déchu, qui a refusé de répondre à plusieurs convocations des enquêteurs.

PHOTO JUNG YEON-JE, AGENCE FRANCE-PRESSE
Des policiers montent la garde devant la résidence du président sud-coréen Yoon Suk-yeol, à Séoul, le 3 janvier 2025.
Le CIO a jusqu’au 6 janvier pour exécuter le mandat d’arrêt contre Yoon Suk-yeol, délivré par un tribunal de Séoul mardi en vue de l’interroger.
Après son échec, il en a appelé au président par intérim Choi Sang-mok, réclamant son soutien au mandat d’arrêt.
Une arrestation de Yoon Suk-yeol, qui reste officiellement le chef de l’État et n’est que suspendu en attendant la confirmation par la Cour constitutionnelle de sa destitution votée par les députés, serait sans précédent dans l’histoire de la Corée du Sud.
Évangélistes et youtubeurs
Les avocats de M. Yoon ont soutenu que la police n’avait pas le droit d’intervenir dans la résidence présidentielle, classée « installation défense secrète ».
« Nous exprimons notre profond regret concernant l’exécution illégale et invalide des mandats d’arrêt et de perquisition », a déclaré l’un des avocats, Yoon Kab-keun.
Des centaines de partisans de M. Yoon, parmi lesquels des youtubeurs d’extrême droite connus et des prédicateurs chrétiens évangéliques, se sont rassemblés près de la résidence présidentielle depuis jeudi soir.

PHOTO PHILIP FONG, AGENCE FRANCE-PRESSE
Des partisans du président sud-coréen Yoon Suk-yeol brandissent des drapeaux coréens et américains près de sa résidence à Séoul, le 3 janvier 2025.
« Yoon Suk-yeol ! Yoon Suk-yeol ! », ont-ils scandé en agitant des bâtons lumineux rouges, sous la surveillance des forces de l’ordre.
« Nous sommes rassemblés ici aujourd’hui, prêts à risquer nos vies », a affirmé à l’AFP Lee Hye-sook, 57 ans, accusant l’opposition de vouloir « transformer notre pays en État socialiste similaire à la Corée du Nord ».
« Lamentable »
Yoon Suk-yeol avait sidéré la Corée du Sud dans la nuit du 3 au 4 décembre en imposant la loi martiale et en envoyant l’armée au Parlement pour tenter de le museler, un épisode qui avait rappelé au pays les heures sombres de la dictature militaire.

PHOTO JUNG YEON-JE, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE
Yoon Suk-yeol avait sidéré la Corée du Sud dans la nuit du 3 au 4 décembre en imposant la loi martiale et en envoyant l’armée au Parlement pour tenter de le museler.
Il avait été forcé de faire marche arrière quelques heures plus tard, les députés ayant réussi à entrer dans le Parlement et à voter une motion exigeant la levée de la loi martiale pendant que des milliers de manifestants se rassemblaient à l’extérieur.
L’ancien procureur vedette de 64 ans n’a manifesté aucun regret depuis sa destitution par le Parlement le 14 décembre, jurant même dans une lettre à ses partisans de « se battre jusqu’à la fin ».
La quatrième économie d’Asie en est depuis à son troisième dirigeant, les fonctions présidentielles revenant désormais au ministre des Finances Choi Sang-mok, et se trouve désormais confrontée au risque de violences entre forces de sécurité.
C’est dans ce contexte qu’est attendu lundi le secrétaire d’État américain Antony Blinken en visite chez cet allié crucial de Washington dans la région.
Il sera notamment question, selon Séoul, de la Corée du Nord, jusqu’à présent avare de commentaires sur la crise politique chez son ennemi du Sud, mais qui a décrit vendredi par le biais de ses médias officiels une situation de « chaos social et politique » à Séoul.
« Le président est l’égal de tous face à la loi. Le fait qu’il n’ait pas obtempéré à un mandat légalement émis par un tribunal est vraiment lamentable », a estimé Lee Jong-soo, professeur de droit à l’université Yonsei.
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