33 000 Haïtiens ont fui Port-au-Prince en deux semaines de violences
33 000 Haïtiens ont fui Port-au-Prince en deux semaines de violences
(Port-au-Prince) La région de Port-au-Prince, que plus de 33 000 personnes ont fuie pour tenter d’échapper à la violence des gangs, s’est réveillée vendredi avec des cadavres calcinés dans ses rues, après des attaques d’hommes armés et une opération policière.
Un correspondant de Tv Soleil Leve a vu plusieurs dépouilles dans le centre-ville de la capitale et à Delmas, dans sa banlieue, au moment où le pays attend toujours l’annonce de la composition de ses futures autorités de transition.
Un habitant a de son côté indiqué avoir vu des corps sans vie à Pétion-Ville, également en banlieue.
Vendredi, un calme précaire régnait dans la capitale après une journée marquée par plusieurs assauts d’hommes armés et une opération policière qui a conduit à la mort d’un chef de gang, Ernst Julmé alias « Ti Grèg ». Ce dernier s’était évadé de prison début mars.
Certaines routes restaient barricadées et très peu de véhicules circulaient. La plupart des bureaux de l’administration publique gardaient porte close, tout comme les écoles et les universités.
L’ONU s’est alarmée de la crise humanitaire : environ 5 millions de personnes, soit presque la moitié de la population, font face à des niveaux élevés « d’insécurité alimentaire aiguë ».
« Une personne sur deux a désormais faim. La montée de la faim alimente la crise sécuritaire qui ravage le pays. Nous avons besoin de mesures urgentes maintenant », a alerté Jean-Martin Bauer, directeur du Programme alimentaire mondial (PAM) en Haïti.
Déplacés internes
Selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), plus de 33 000 personnes ont fui la zone métropolitaine de Port-au-Prince en deux semaines pour se mettre à l’abri de l’escalade des attaques.
Elles se sont principalement dirigées vers les départements du Grand Sud, qui accueillent déjà 116 000 déplacés ayant fui les mois passés.
Ces « provinces n’ont pas suffisamment d’infrastructures et les communautés hôtes n’ont pas de ressources suffisantes qui peuvent leur permettre de faire face à ces flux de déplacements massifs venant de la capitale », a affirmé l’OIM.
Une grande partie de ces plus de 33 000 personnes étaient déjà des déplacés internes, parfois plusieurs fois.
Haïti, qui vivait déjà une profonde crise politique et sécuritaire, est en proie à un regain de violences depuis le début du mois, lorsque plusieurs gangs ont uni leurs forces pour attaquer des lieux stratégiques de Port-au-Prince, disant vouloir renverser le premier ministre Ariel Henry.
Très contesté, ce dernier n’a pas pu regagner son pays après un déplacement au Kenya. Selon des sources concordantes, il se trouve désormais en Californie, après avoir quitté Porto Rico.
M. Henry a accepté de démissionner le 11 mars et depuis des négociations sont en cours en vue de former des autorités de transition.
Mais en attendant, les gangs armés élargissent leurs attaques dans la capitale, dont ils contrôlaient déjà quelque 80 %.
Aide humanitaire
« Au cours des derniers jours, les gangs ont avancé dans de nouvelles zones de la capitale », a déclaré jeudi Ulrika Richardson, coordinatrice humanitaire de l’ONU pour le pays.
Le futur conseil présidentiel de transition, dont la mise sur pied a été décidée lors d’une réunion d’urgence en Jamaïque de plusieurs pays et organisations avec des représentants haïtiens, se fait attendre.
Cet organe sera entre autres chargé de nommer un premier ministre intérimaire.
Haïti reste pour l’heure sans président ni parlement : le dernier chef d’État, Jovenel Moïse, a été assassiné en 2021. Et le pays n’a connu aucune élection depuis 2016.
Le Kenya, qui devait envoyer un millier de policiers en Haïti dans le cadre d’une mission soutenue par l’ONU, a annoncé qu’il suspendait ce déploiement au vu de la situation.
« Juguler la violence qui frappe Haïti constituera une épreuve décisive pour l’unité et la pérennité du nouveau gouvernement », a écrit le groupe de réflexion International Crisis Group.
« Les nouvelles autorités devraient reprendre les pourparlers avec les partenaires étrangers pour accélérer le déploiement de la mission de sécurité multinationale » et, en attendant, tenter de fournir l’équipement nécessaire à la police pour qu’elle essaie de reprendre le contrôle du port et des principales autoroutes, a-t-il ajouté.
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