Peut-on combattre un incendie avec de l’eau de mer ?

Les pompiers de Los Angeles se sont retrouvés à sec, cette semaine. Ils ont vidé trois réservoirs et l’État de Californie a demandé aux citoyens de limiter leur consommation d’eau. Mais pourrait-on mettre l’eau du Pacifique à contribution ?

Pourquoi n’utilisons-nous pas l’eau salée pour combattre les incendies de forêt à Los Angeles ?

Dans les faits, on puise de l’eau dans l’océan Pacifique pour combattre les incendies de forêt qui ravagent la Cité des anges. C’est le cas, entre autres, des deux appareils Canadair CL-415, chacun équipé d’un réservoir d’une capacité de 6000 litres. Ces deux avions et leurs pilotes relèvent du gouvernement du Québec, mais sont affectés en Californie chaque automne, en vertu d’une entente avec les autorités américaines. Les deux avions font actuellement le plein d’eau dans l’océan Pacifique, confirme à La Presse la Société de protection des forêts contre le feu (SOPFEU).

Dans ce contexte, avec autant d’eau à la disposition des autorités, ne devrait-on pas rapidement venir à bout de ces incendies ?

Ce n’est pas aussi simple qu’il n’y paraît. Les Canadair CL-415 sont des appareils uniques au monde, rappelle Stéphane Caron, coordonnateur à la prévention et aux communications à la SOPFEU. Et, à l’heure actuelle, il n’y a que deux avions affectés à la lutte contre les incendies à Los Angeles, bien que deux autres doivent s’ajouter dès la semaine prochaine, précise M. Caron. Ils ont été conçus pour répondre au contexte canadien, où on ne manque pas de lacs et de rivières pour s’approvisionner en eau. « L’eau salée va rendre les appareils plus vulnérables à la corrosion, explique M. Caron. Chaque jour, ça prend un nettoyage complet des appareils et des réservoirs. » Il faut aussi que le plan d’eau soit relativement calme pour permettre à l’appareil de s’y poser pour remplir son réservoir, ce qui est plus facile à faire sur un lac que dans l’océan, ajoute l’expert.

Ces avions arrivent-ils quand même à éteindre des incendies ?

« Un avion-citerne ne va pas éteindre un feu. Il va le contenir, le diminuer pour permettre aux pompiers au sol d’aller l’éteindre. Pour l’éteindre vraiment, il faut aller en profondeur », explique Stéphane Caron. Les appareils comme les CL-415 travaillent en duo. Pour une stratégie efficace contre le feu, ils doivent vider leur réservoir toutes les 10 minutes. « Pendant qu’un avion largue son eau, l’autre va chercher de l’eau. Il y a comme une chaîne pour taper le feu, il faut que ça soit en continu pour avoir une efficacité », ajoute M. Caron.

Pourquoi est-ce qu’on ne pompe pas l’eau directement dans l’océan pour alimenter les équipes au sol ?

Là encore, l’eau de mer pose plusieurs défis. Une option serait de pomper l’eau de l’océan Pacifique dans le réseau d’aqueduc de Los Angeles : on ne manquerait pas d’eau pour combattre les incendies, mais cela entraînerait un problème de taille, soutient Pascal Caron, chargé de cours et ingénieur spécialisé en protection incendie. « Le problème, c’est que si tu mets de l’eau salée dans le réseau d’eau potable, tu viens de créer un autre problème de contamination d’eau. Il faut tout nettoyer et ça devient quasiment impossible, parce qu’il faut que tu chlores ça, et il faut prendre des échantillons, et on n’en finit plus… »

La solution n’est pas idéale non plus pour les pompiers, qui pourraient remplir les réservoirs de leur camion avec de l’eau salée. Mais plusieurs pièces des réservoirs et autres équipements des pompiers sont en métal et résisteraient mal à la corrosion provoquée par le sel, explique le site américain Technology.org, spécialisé dans la science et la technologie.

Y a-t-il d’autres inconvénients à utiliser de l’eau de mer pour combattre des incendies ?

Selon les scientifiques, l’eau salée aurait un effet refroidissant moins important que l’eau douce. « L’effet refroidissant de l’eau de mer est légèrement inférieur à celui de l’eau douce, et il diminue avec l’augmentation des concentrations de sel dans l’eau de mer », concluait une étude publiée dans la revue spécialisée International Journal of Refrigeration, en 2021.

« D’un point de vue environnemental, larguer de l’eau salée sur la végétation, ce n’est pas l’idéal », souligne Stéphane Caron, de la SOPFEU. De telles quantités peuvent notamment affecter le sol et nuire à la régénération des végétaux. C’est une option employée en dernier recours. Au Québec, la SOPFEU se ravitaille en eau de mer pour combattre des incendies en Gaspésie, par exemple, quand il n’y a pas d’autres options, ajoute M. Caron.